Une simple recherche sur Internet permet de comprendre avec quelle facilité il est possible, de nos jours, de se procurer de faux diplômes plus vrais que nature. Un problème mis en lumière par le sénateur Bruno Rojouan, sénateur de l’Allier, qui évoquait l’été dernier le chiffre de « 20 000 diplômes frauduleux » émis chaque année en France. Face à ce véritable fléau, les écoles et facultés commencent à s’organiser pour protéger leur réputation et l’excellence de leurs formations.
Dans un monde où un premier job de rêve représente souvent la porte d’entrée vers une carrière prometteuse, le diplôme reste la clé qui ouvre cette porte. Mais encore faut-il décrocher ce fameux diplôme et se faire une place dans la féroce compétition entre candidats à l’embauche, candidats aux concours et, une fois admis, candidats à l’examen sanctionnant telle ou telle formation. Autant d’obstacles que tous ne peuvent franchir ; et autant d’épreuves qui expliquent pourquoi certains se rabattent, faute d’avoir pu franchir les portes des plus prestigieuses écoles, vers des établissements supérieurs — souvent privés — qui, surfant sur ce déséquilibre entre « mauvais » candidats et « bons » diplômes, exploitent cette forme de pression sociale pour proposer des formations pas toujours reconnues par l’État — au risque de provoquer chez leurs victimes une immense désillusion
Un phénomène en hausse, contre lequel les autorités peinent à lutter
Mais cette véritable course au diplôme conduit, parfois, à des dérives plus graves encore. En juin dernier, le sénateur Bruno Rojouan évoquait, dans une question écrite au gouvernement, le chiffre de « 20 000 diplômes frauduleux » émis, chaque année, sur le territoire français : non pas des diplômes au rabais, comme ceux délivrés par certains établissements privés, mais de véritables contrefaçons, achetées le plus souvent sur Internet. Et, pour cela, nul besoin de se rendre sur le Dark Net ni de posséder des compétences particulières en matière de retouche photo. En quelques clics, une simple recherche sur Google renvoie l’internaute vers une constellation de sites spécialisés, promettant, contre des sommes allant de 50 à plus de 200 euros, d’éditer un diplôme plus vrai que nature. Ne reste plus alors qu’à attendre la livraison par le facteur, parfois même proposée en « 24 heures chrono ». Le UberEats du faux parchemin est né…
Encore marginal, le phénomène n’en est pas moins suffisamment sérieux pour que des entreprises se spécialisent dans la vérification des diplômes. Verifdiploma, une société française qui contrôle les diplômes que lui soumettent les recruteurs, estime ainsi que 3 % à 6 % des quelque 115 000 candidatures qu’elle vérifie chaque année contiennent des faux diplômes. De leur côté, les autorités ont toutes les peines du monde à lutter contre ces faussaires : ceux-ci sont souvent hébergés à l’étranger (en Russie, notamment) et recréent des sites Internet dès que les précédents sont fermés par les pouvoirs publics. Le trafic de faux diplômes prend une telle ampleur qu’il existe même de véritables « usines à diplômes » délivrant, contre rémunération, tout un éventail de master et autres PhD provenant d’universités virtuelles imitant le nom et les codes d’établissements mondialement réputés : « Barkley », « Columbiana », etc.
Une solution d’authentification proposée par le suisse SICPA
Mondial, le phénomène n’épargne pas l’Hexagone. À de rares exceptions près, les diplômes français ne sont pas protégés par d’infaillibles systèmes de sécurité. Une incertitude qui contraint les recruteurs consciencieux à consacrer de longues minutes, pour ne pas dire de longues heures, à cette tâche fastidieuse, en appelant un à un les établissements théoriquement fréquentés par les candidats. D’où le succès, croissant, des entreprises spécialisées : créée en 2001, la société Verifdiploma s’appuie désormais sur une base de données recensant 2 500 établissements du supérieur (universités, écoles de commerce ou d’ingénieurs, etc.), qui lui transmettent, tous les ans, la liste de leurs nouveaux diplômés. Signe d’une demande qui ne faiblit pas, d’autres entreprises, comme la start-up EveryCheck, se positionnent elles aussi sur ce créneau porteur.
Pour indispensables que se soient rendues ces sociétés de vérification, elles ne résolvent pas entièrement le problème : l’absence, sur la quasi-totalité des diplômes émis par les établissements supérieurs français, d’une solution d’authentification sûre et reconnue par tous. D’autres pays, confrontés eux aussi au fléau des faux diplômes, ont sauté le pas. Ainsi de l’Éthiopie, qui vient de conclure un accord avec l’entreprise SICPA: le spécialiste des solutions de traçabilité va ainsi apposer plusieurs milliers de codes de sécurité sur les diplômes des universités éthiopiennes. Une solution numérique baptisée Certus, que la société suisse a conçue en associant un QR Code à la technologie blockchain, et qui permet à n’importe quel recruteur de vérifier, en temps réel, l’authenticité des qualifications présentées par les candidats. Simple, efficace, et surtout « incraquable ».
Les écoles et facs françaises en ordre de bataille
Quelques semaines avant le pays d’Afrique de l’Est, le Mexique, un pays lui aussi confronté à la prolifération des faux diplômes, avait également adopté la solution Certus de SICPA. Si l’Hexagone ne semble pas aussi touché par le phénomène que ces pays où la fraude est quasi-institutionnalisée, les écoles et universités françaises, manifestement de plus en plus confrontées au problème, montent enfin au créneau. Plusieurs d’entre-elles ont ainsi renforcé leurs procédures de vérification des diplômes, et certaines, comme l’EM Lyon, ont elles aussi adopté une certification par QR Code. « L’âge d’or » des faussaires et fraudeurs semble donc, espérons-le, en voie d’être révolu.
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