La transparence des informations sur la propriété étant au cœur des préoccupations des pouvoirs publics, ces derniers ont soumis à l’obligation de déclarer les bénéficiaires effectifs de toutes les sociétés immatriculées au RCS. Qu’elles soient civiles, agricoles ou commerciales, ces entités sont tenues de tenir un RBE (Registre des Bénéficiaires Effectifs). Ces obligations ont été mises en vigueur dans une optique de lutte contre le blanchiment d’argent, l’évasion fiscale, la corruption ainsi que le financement du terrorisme. Mais qu’entend-on exactement par bénéficiaire effectif ? Dans quel type de société doit-il faire l’objet d’une déclaration ? Qui peut en devenir un ? Cet article aborde en détail les réponses à ces questions.
Bénéficiaire effectif d’une société : de qui s’agit-il ?
Par bénéficiaire effectif, on entend une personne physique qui est en principe à l’origine d’une construction juridique ou d’une entité et qui en détient le contrôle effectif. Selon l’article L.561-1 du Code monétaire et financier, il détient indirectement ou directement plus de 25 % du capital de la société ou des droits de vote. Il peut également s’agir d’une personne physique qui, par tout moyen, exerce un pouvoir de direction ou de contrôle sur l’entité, ou encore sur l’assemblée générale des actionnaires ou des associés.
Dans le cas des entreprises sans capital (associations, entreprises individuelles…), les bénéficiaires effectifs ne sont autres que ses représentants légaux. La raison est qu’aucune des personnes physiques qui en font partie ne peut satisfaire aux conditions indiquées ci-dessus.
Qui peut devenir bénéficiaire effectif d’une ou de plusieurs sociétés ?
Conformément à la législation en vigueur, seule une personne physique peut devenir bénéficiaire effectif d’une ou de plusieurs entités ciblées. Toute personne morale ne peut alors exercer un contrôle effectif sur une entité tierce sous aucun prétexte. Cela dit, si une société est associée ou actionnaire dans une autre structure, alors il doit préciser dans le RBE le nom de chaque personne physique qui en détient le contrôle effectif et en est responsable, tant fiscalement que juridiquement. Il est bien sûr plus facile pour les autorités de contrôler une personne physique qu’une personne morale.
Le contrôle effectif d’une société par une personne physique peut être direct ou indirect
Dans le premier cas, le bénéficiaire effectif dispose lui-même des actions de la structure déclarante. Dans le second, il est aussi propriétaire des actions de l’entreprise déclarante, mais via une autre entité. En clair, le bénéficiaire effectif détient les parts de l’entreprise-associée de l’entité déclarante. Par exemple, monsieur A détient 75 % de la société X, qui elle-même détient 50 % de l’entreprise Y. En pratique, il contrôle de manière indirecte la société Y.
Prenons maintenant un exemple concret de bénéficiaires effectifs. Supposons une entreprise Z qui compte dans son RBE deux associés/actionnaires effectifs :
- monsieur B détient directement la moitié des droits de vote ainsi que du capital social,
- madame C en détient l’autre moitié, mais par l’intermédiaire d’une société S dont elle est l’unique associée.
Dans cet exemple, la société S ne peut en aucun cas devenir elle-même le bénéficiaire effectif de l’entreprise Z. C’est pourquoi cette dernière a indiqué dans son RBE le nom de madame C.
Les obligations du bénéficiaire effectif
Conformément à l’ordonnance du 12 février 2020, un bénéficiaire effectif est dans l’obligation de fournir à la société ciblée toutes les informations qui les concernent. Cela doit se faire au plus tard dans les 30 jours (ouvrables) après que cette société en a fait la demande. Le bénéficiaire effectif doit veiller à lui transmettre des informations aussi exhaustives que correctes et actualisées. L’entreprise ciblée en a bien entendu besoin lors de la déclaration d’un bénéficiaire effectif auprès du greffe du Tribunal de commerce.
Si jamais il ne respecte pas le délai légal de 30 jours ou si les informations qu’il a transmises à la société ciblée sont erronées, obsolètes ou incomplètes, cette dernière peut agir à son encontre en saisissant directement le président du Tribunal.
Cas particuliers concernant le bénéficiaire effectif
Dans l’éventualité d’un démembrement d’actions ou de parts sociales qui représenterait plus de 25 % du capital social d’une entreprise, la personne physique est toujours considérée comme bénéficiaire effectif et doit être déclarée. Elle est en l’occurrence considérée comme nu-propriétaire. Un usufruitier dont les droits de vote détenus dans l’entité ciblée vont au-delà de 25 % doit également être déclaré au titre de bénéficiaire effectif.
Lorsque les actions ou les parts sociales font l’objet d’une indivision, tous les indivisaires doivent être déclarés en tant que bénéficiaires effectifs dès lors que l’indivision représente plus de 25 % du capital social. Dans le cas où cette indivision a un représentant exerçant un pouvoir de contrôle, celui-ci devient aussi bénéficiaire effectif. En cas de décès d’un bénéficiaire effectif, chaque héritier appartenant à l’indivision en devient automatiquement un.
Comment la détention du capital social est-elle calculée ?
Pour calculer la détention directe, il convient d’additionner toutes ses participations, tant indirectes que directes. En ce qui concerne la détention indirecte, il faut multiplier les participations pour déterminer son pourcentage. Supposons que si le capital de l’entreprise X est détenu à 70 % par une entité Y, qui elle-même est détenue à 40 % par une personne physique. Cette dernière détient dans le cas présent 28 % du capital de l’entreprise X (soit 70 x 40 / 100) et devient automatiquement son bénéficiaire effectif.
Quelles sont les entreprises soumises à l’obligation de déclarer leurs bénéficiaires effectifs ?
Toutes les sociétés françaises qui sont tenues de s’immatriculer au RCS sont soumises à cette obligation déclarative, qu’elles soient commerciales (EURL, SARL, SASU, SAS, SA, SNC, SCS, SCA…), civiles (SCP, SCI…) ou agricoles. Il en est de même pour les groupements d’intérêt économique (GIE), les organismes de placements collectifs (OPC) et les associations qui doivent s’inscrire dans le même registre.
Seules les entités cotées en bourse font l’objet d’une dérogation à cette obligation, c’est-à-dire celles dont les titres sont admis aux négociations sur un marché financier réglementé (en France ou dans un autre État). Cependant, aucune disposition légale précise ne soustrait leurs filiales au remplissage du formulaire de bénéficiaires effectifs.
Toutes les entités concernées doivent déposer en annexe du RCS la déclaration des informations relatives aux bénéficiaires effectifs au moment de la demande d’immatriculation ou, au plus tard, dans les 15 jours qui suivent l’obtention du récépissé de dépôt de dossier de création d’entreprise. Dans tous les cas, la déclaration se fait grâce à un formulaire (M’BE ou DBE-S1) téléchargeable sur le site web du Service public.
Les sociétés qui contreviennent à cette obligation déclarative se verront infliger une amende de 7 500 € accompagnée de 6 mois d’emprisonnement. Dans la pire des cas, l’absence de déclaration peut déboucher sur la dissolution des sociétés contrevenantes ainsi que l’interdiction de gérer des dirigeants, voire la privation partielle ou totale de leurs droits civiques et civils.
Soulignons que les sociétés sont aussi obligées de mettre à jour leur registre de bénéficiaires effectifs (RBE) jusqu’à 30 jours après toute modification.
Pourquoi la déclaration de bénéficiaires effectifs est-elle devenue une obligation légale ?
Si le gouvernement a placé la déclaration de bénéficiaires effectifs parmi les formalités à accomplir lors de la constitution de certaines sociétés, c’est parce que l’anonymat favorise des opérations illégales pouvant échapper aux forces de l’ordre. Ce sont notamment l’évasion fiscale, le financement du terrorisme, le blanchiment d’argent et la corruption.
Le blanchiment d’argent, par exemple, peut impliquer des transactions particulièrement complexes qui visent à faire passer pour légales les sommes d’argent émanant de sources illicites. Les trafiquants de drogue peuvent, en guise d’exemple, constituer une société dans le but de justifier le fait qu’ils exercent des activités légales alors qu’en réalité, la majorité des revenus qu’ils génèrent provient de la commercialisation de drogues. Prenons un autre exemple : si une personne a un contrôle effectif sur une ou plusieurs sociétés et que celle-ci n’a pas été déclarée, il serait difficile pour les autorités de vérifier s’il s’acquitte ou non de ses impôts.